Le complexe de la dénatalité. L’argument démographique dans le débat sur la prévention des naissances en France (1956-1967) (2024)

En mémoire de Catherine Rollet

1Le 50e anniversaire en 2017 de la loi Neuwirth autorisant l’usage de la pilule contraceptive en France donne l’occasion d’un retour sur les discours qui ont alimenté les débats à propos de l’usage des méthodes de contraception et du droit à une maternité choisie. Ils ne peuvent se réduire à une opposition entre mouvements conservateurs et mouvements féministes sur la question des droits des femmes à disposer de leur corps et de leur sexualité. Les enjeux sont plus complexes, et Virginie De Luca Barrusse nous montre comment la lutte se situe aussi sur le registre de l’intérêt collectif, au nom de la natalité et de la croissance démographique. À partir du dépouillement d’archives de la presse écrite, l’auteure retrace les formes de mobilisation de l’«argument démographique» par les différents acteurs du débat, militant·e·s du Planning familial, personnalités politiques et démographes pendant la décennie qui précède le vote historique de cette loi en 1967.

2À partir de 1956, la loi du 31 juillet 1920 réprimant la provocation à l’avortement et la propagande anticonceptionnelle est contestée par l’association Maternité heureuse qui plaide en faveur de son abrogation (Cahen, 2007, 2016; Cova, 1997; De Luca Barrusse, 2008). Les efforts de cette association, qui prend le nom de Mouvement français pour le planning familial en 1960, seront en partie couronnés de succès le 28 décembre 1967 avec le vote de la loi Neuwirth [1] (Bard et Mossuz-Lavau, 2006; Pavard, 2012b). La libéralisation de la contraception n’aura pas été sans un intense débat, dans la presse en particulier, opposant les partisan·e·s du Planning à d’autres intervenant·e·s qui recourent à une batterie d’arguments, parmi lesquels l’argument démographique apparaît le plus insistant et le plus tenace. Ils appellent à la vigilance quant aux conséquences de la modification de cette loi votée dans un contexte de lutte contre la dénatalité, en particulier le risque d’une diminution des naissances.

3L’objectif de l’article est d’examiner cet «argument démographique», expression inspirée des travaux réunis par Paul-André Rosental (2007). Il définit ici le recours à un raisonnement faisant appel à des considérations de nature diverse sur la population en tant qu’unité collective, géographiquement et historiquement située. Comment et par qui est-il mobilisé pour contrer les propositions de modification de la loi? Quelles sont les conséquences de l’entrée de ce nouvel argument dans le débat? À quels ajustements conduit-il?

4Au-delà du seul accès à la liberté de procréer, l’intérêt de ces questions réside dans les usages de l’argument démographique dans l’espace public et dans la circulation des outils et des travaux de la discipline hors du cercle de ses spécialistes. Dans une certaine mesure, cet article se situe dans la lignée de travaux sur la démographie dans l’espace public, notamment dans les médias, et sur ce que produit cette médiatisation (Brown et Ferree, 2005; Stark et Kohler, 2003, 2004; Valarino et Bernardi, 2010; Wilmoth et Ball, 1992, 1995). Ces chercheurs montrent l’influence du contexte national et historique, mais aussi des tendances démographiques sur la manière dont les médias couvrent l’information. La France constitue sans doute un cas particulièrement intéressant pour étudier cette question, en raison de la réaction qu’a provoquée son entrée précoce dans la transition démographique. Elle a conduit à des prises de position publiques, à une législation spécifique, dont la loi de 1920 est un exemple, mais aussi à la création d’un institut dédié à l’étude des problèmes démographiques, l’Ined, confié en 1945 à Alfred Sauvy (De Luca Barrusse, 2008, 2013; Drouard, 1992; Girard, 1986; Huss, 1990; Reggiani, 1996; Rosental, 2003, 2016). Cette trajectoire particulière, et la manière dont elle a été appréhendée, a conduit au renforcement d’une sensibilité démographique (De Luca Barrusse, 2008, 2013; Rosental, 2003, 2016), c’est-à-dire une attention soutenue portée aux questions démographiques. Cette sensibilité s’exprime à travers ce qu’on peut nommer avec le docteur André Berge [2] un «complexe de la dénatalité» (Berge, 1961). Elle conduit au recours de l’argument démographique dans l’espace public. Marquées par les circonstances, la singularité démographique française et la fragilité de ses tendances perdurent, notamment dans le débat sur la régulation des naissances.

5Aux démographes, mais aussi aux représentants du clergé qui s’invitent dans le débat, les militant·e·s du Planning répondent. Ces interventions, on le verra, sont fonction des intérêts et des ressources mais aussi des contraintes avec lesquelles chacun et chacune ont à faire. Leurs auteurs répondent aussi en fonction de la réaction anticipée de l’autre mettant à jour un certain nombre de présupposés et de valeurs induites par le complexe de la dénatalité, comme le montre l’analyse des sources disponibles (partie I). De nombreux débats dans l’espace public viennent étayer ces préoccupations, tant concernant la singularité démographique française que la forte croissance des populations des pays dits du «Tiers Monde» (partie II). Pour obtenir satisfaction, les militant·e·s du Planning ont à «faire avec» ce complexe qui s’exprime dans les réactions provoquées par les efforts de modification de la loi de 1920 (partie III). Les compromis auxquels ils/elles sont prêt·e·s mettent à jour des valeurs qui apparaissent relativement partagées et qui sont l’expression de cette sensibilité démographique.

6L’argument démographique n’apparaît pas subitement dans l’espace public au cours des années 1950 (Rosental, 2007). En France, depuis le tournant du siècle, la dépopulation, puis dans l’entre-deux-guerres la dénatalité, qui pointent la diminution précoce des naissances, ont fait couler beaucoup d’encre. Journaux, revues, brochures, livres, tracts, affiches, cartes postales même, rappellent les risques qui lui sont associés, multiplient les recommandations, communiquent quelques indicateurs et les résument dans des graphiques commentés jusque sur les bancs des écoles (De Luca Barrusse, 2005, 2008, 2013; Huss, 1990; Véron et Rohrbasser, 2015). Cette information qui accompagne des injonctions natalistes se maintient sous Vichy (Capuano, 2009; Jennings, 2002; Muel-Dreyfus, 1996; Pollard, 1998).

7À partir de 1945, l’Ined tient à distance les groupes de pression natalistes pour asseoir son autorité scientifique et devient la source principale de l’information sur la population (Drouard, 1992; Girard, 1986; Rosental, 2003). «Assurer la diffusion des connaissances démographiques» est du reste l’une des missions qui lui est assignée en vertu de l’ordonnance du 24 octobre 1945 (Girard, 1995). La revue Population, dont l’Ined se dote en 1946, est l’outil majeur de la diffusion de la recherche scientifique, ainsi que la collection d’ouvrages Travaux et documents (Clerc, 1995; Girard, 1986, 1995; Rosental, 2006; Van de Walle, 1995). Les publications des chercheurs de l’Ined rendent aussi visibles les travaux de l’institut. La plus connue est certainement La population, ses lois, ses équilibres d’Alfred Sauvy, publié dans la collection «Que sais-je?» en 1944 et régulièrement rééditée (Véron, 2015). De manière générale, il faut rendre compte de la place éminemment centrale de Sauvy dans ce processus de diffusion des connaissances démographiques (Dittgen, 1992). C’est une véritable «croisade» qu’il entreprend pour mettre les résultats des recherches à la portée de tous grâce à ses publications nombreuses et ses interventions répétées dans la presse (Drouin, 1992). La rubrique qu’il tient dans Le Monde, journal le plus influent du paysage médiatique [3], où il commente des publications économiques et démographiques, en est un exemple. L’argument démographique s’inscrit donc dans un long contexte de préoccupations qui a produit et continue de produire une information régulière dans l’espace public.

8Entre 1956 et 1967, la présence du «problème» de la régulation des naissances dans l’espace public est largement assurée par voie de presse. Cette promotion médiatique est le fruit d’une construction savamment orchestrée car pour les militant·e·s du Planning qui dénoncent la loi de 1920, c’est un «moyen d’exister» et de faire connaître leur programme d’action (Pavard, 2006, p. 119). Pour maintenir la question sous le feux des projecteurs les premier·e·s partisan·e·s mobilisent leurs réseaux, en particulier dans les secteurs journalistique et de l’édition (Chaperon, 2001; Naudier, 2006). L’effet est sensible: la présence du sujet dans les médias est remarquable et s’y maintiendra. Il est vrai qu’il intéresse les lecteurs si l’on se fie aux courriers qu’il suscite, qu’il s’agisse de lettres spontanées ou de réponses à des appels à témoignages (De Luca Barrusse, 2014). Selon les protagonistes du Planning, on dénombrerait 400 à 600 articles par mois sur la régulation des naissances au début de l’année 1966 (Planning actualité, 4 mai 1966, cité par Chaperon, 1995, p. 67). Qu’ils fassent la une ou l’objet d’un traitement plus marginal, ces articles informent sur les actions menées, prennent position ou font état de celles des différents protagonistes; parfois ils invitent les lecteurs et lectrices à s’exprimer. À certaines occasions, la couverture médiatique est particulièrement soutenue. Par exemple en 1964, lorsque le concile Vatican II se penche sur la régulation des naissances (Sevegrand, 1995, p. 232), ou à partir d’octobre 1965 quand le candidat à l’élection présidentielle François Mitterrand se déclare favorable à la révision de la loi de 1920, contraignant alors les autres candidats à prendre position (Jenson et Sineau, 1995, p. 63-67; Pavard, 2012b, p. 70-71). Cette campagne présidentielle oblige le gouvernement à réagir: en novembre 1965, le ministre de la Santé publique et de la population, Raymond Marcellin, commande un rapport à l’Ined sur «l’effet sur la natalité de l’adoption d’une politique plus libérale en matière de régulation des naissances» [4] pour tenter de mettre fin à une dizaine d’années de spéculations [5]. Ce rapport sera commenté dans la presse.

9C’est, pour l’essentiel, sur la presse écrite que s’appuie l’analyse dans cet article. Au cours de la période considérée (1956-1967), même si ces médias sont quelque peu en perte de vitesse, ils sont encore d’une diversité remarquable (D’Almeida et Delporte, 2003; Jeanneney, 2011) et largement consultés. Au cours des années 1950, 80% des adultes lisent un quotidien (D’Almeida et Delporte, 2003, p. 181). Il n’est donc pas étonnant qu’au moment même où se déroule le débat, les militants constituent avec la plus grande minutie des dossiers de presse pour s’assurer de l’audience de leurs efforts [6]. Ces dossiers, sur lesquels s’appuie l’article, sont complémentaires, et s’ils ne sont pas exhaustifs, ils donnent à voir un large éventail d’interventions d’acteurs de tous horizons sur des supports variés, de grande comme de petite diffusion [7]. Si la presse généraliste est bien couverte, les presses régionale et spécialisée le sont aussi, de même que des publications de différentes obédiences politiques ou confessionnelles. En outre, même si la télévision fait une place modeste au débat, certaines émissions sont commentées dans la presse (Levy, 1994, 2008). Pour cerner la présence de l’argument démographique, son abandon ou son éventuelle conversion dans d’autres espaces publics, cet article s’appuie aussi sur des conférences retranscrites, publiées ou conservées dans des dossiers d’archives, ainsi que deux revues en particulier, Population et Planning familial qui succède à Maternité heureuse, organe de l’association éponyme. Les recensions publiées dans ces deux revues ont été systématiquement dépouillées afin de repérer les nombreuses publications sur la régulation des naissances.

10À partir de ces matériaux, il s’est agi de repérer les acteurs et leurs positions, décrire leurs discours et leurs arguments, dégager et interpréter les valeurs qu’ils révèlent, ceci afin de caractériser la sensibilité démographique qui s’exprime à l’occasion de ce débat et d’en comprendre la portée. Même si le profil de certains auteurs est parfois obscur, ces sources croisées permettent de dépasser les intervenants les plus visibles du débat. Car l’argument démographique n’est pas mobilisé uniquement par ses seuls experts qui se tiendraient en rang serré derrière le directeur de l’Ined. Son usage est plus large comme le démontre l’article.

11Le débat s’ouvre le 5 mars 1955 par une première intervention remarquée de la gynécologue Marie-Andrée Lagroua Weill-Hallé qui dénonce les effets de la loi de 1920 devant l’Académie des sciences morales et politiques. Elle y fait écho aux propos qu’Alfred Sauvy a tenus une semaine plus tôt devant la même assemblée, mais elle oppose à la «stérilité volontaire» que redoute le démographe, la «maternité volontaire» que seule la modification de la loi autoriserait. Ce faisant, la docteure anticipe l’argument qui sera opposé à sa proposition. Son réseau personnel et relationnel explique sans doute l’attention qu’elle y porte: elle est l’épouse de Benjamin Weill-Hallé, un pédiatre très investi dans le champ de l’hygiène sociale, domaine préoccupé par le devenir de la population et marqué par une lutte destinée à faire primer la qualité sur la quantité (De Luca Barrusse, 2013; Schneider, 1990). Dans le sillage de cette communication reprise dans Le Monde, le journaliste Jacques Derogy enquête et recueille des témoignages sur les conséquences de la loi, en particulier sur le recours à l’avortement. Ses analyses sont publiées dans Libération[8] à partir du 15 octobre 1955. Mais c’est la publication du livre issu de cette enquête, Des enfants malgré nous, en janvier 1956, qui déclenche une réaction en chaîne dans la presse tandis que Marie-Andrée Lagroua fonde Maternité heureuse avec un groupe de femmes et d’hommes issu·e·s de la moyenne et haute bourgeoisie exerçant dans le secteur médical, éditorial ou dans les sciences sociales (Pavard, 2012b, p. 29-33).

12Les premières oppositions à la modification de la loi se manifestent: d’abord celle des catholiques le 1er février 1956 dans La Revue de l’action populaire puis celle, toniturante, d’un démographe de l’Ined, le docteur Sutter dans Carrefour, un hebdomadaire de tendance démocrate chrétienne qui titre le 29 février 1956 «Un nouvel aspect de la décadence française». Sutter dénonce ce qu’il considère être une «résurgence du néomalthusianisme». Une critique que les communistes reprendront à partir du 2 mai 1956 dans L’Humanité[9]. Le débat sur la régulation des naissances est lancé. L’argument démographique va s’y déployer, sans surprise pour Marie-Andrée Lagroua. Au début de 1956, exposant les «raisons d’être de l’association» dans le premier numéro de sa revue, elle reconnaît que «l’aspect démographique a particulièrement retenu notre attention» (Lagroua Weill-Hallé, 1956). Cette précaution, prise dès ses premières interventions pour s’inscrire dans une réflexion sur la natalité, est la preuve d’un présupposé de la puissance de l’argument et de la capacité des démographes à le faire entendre. En somme, l’argument démographique était attendu et son poids estimé.

13Ce sont les démographes qui, les premiers, recourent à cet argument dans les médias avant qu’il ne circule parmi les intervenant·e·s qui le reprendront à leur compte. La chronologie de leurs prises de positions dans la presse et leurs contenus montre qu’il leur a fallu un prétexte pour intervenir. Ils le trouvent dans la correction des chiffres concernant les avortements. L’une des motivations de la modification de la loi de 1920 est de mettre fin aux avortements clandestins auxquels sont condamnées les femmes. Comme au cours des précédentes décennies (Cahen, 2016), leur nombre fait l’objet d’estimations souvent grossières par les journalistes: elles fluctuent entre 600 000 avortements annuels (l’Action laïque, Combat, France observateur et Paris Presse) et 1 600 000 (Demain). Par exemple, le 23 février 1956, dans L’Express, Françoise Giroud évoque 800 000 avortements par an, ce qui signifierait qu’une grossesse sur deux est interrompue. Le chiffres des décès imputables à ces avortements est tout aussi exagéré, variant de 20 000 pour l’Action laïque, France observateur, Libération à 40 000 pour Demain, toujours aussi prompt à l’exagération.

14La première intervention du docteur Sutter dans Carrefour, le 29 février 1956, qui introduit l’argument démographique dans la presse, dénonce la surestimation des chiffres avancés. Le 11 mai de la même année, Sauvy revient sur ces «étranges erreurs»:

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«on a cité par exemple le chiffre de 40 000 décès annuels dus aux avortements, alors que le nombre total de décès de 15 à 45 ans, toutes causes (…) n’est que de 12 300 sur lesquels quelques centaines seulement dus aux avortements».

16Les démographes appellent à la prudence dans l’usage des chiffres. Leurs interventions conduisent à établir leur compétence sur le sujet et disqualifier ceux qui y recourent. Mais ils ne s’arrêtent pas là. Leur expertise sur la question leur ouvre les colonnes des journaux; ils donnent aussi leur point de vue.

17Seul Sauvy justifie cette intervention dans le débat. Il n’est pas anodin que ce soit dans la revue du Planning familial qu’il explique la raison d’être de la préoccupation des démographes face à la modification de la loi:

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«Nombreuses sont les personnes qui voient dans le démographe avant tout un homme désireux de voir s’accroître la ou les populations (…). Si les démographes français ont souvent la réputation d’être «antimalthusiens» ou «populationnistes» c’est parce que pendant longtemps, les générations françaises n’ont pas assuré leur remplacement. Ce maintien du navire au-dessous de la ligne de flottaison avait diverses conséquences fâcheuses parmi lesquelles un vieillissement excessif de la population (…) car ce qui importe pour une population ce n’est pas tant son nombre total que sa structure et sa vitalité. Il n’est donc pas surprenant que les démographes français se soient émus du mal qui affectait leur pays».

19L’expertise des démographes, qui se construit au même moment, les autorise à se prononcer sur l’intérêt collectif de la régulation des naissances (Rosental, 2003). Sauvy poursuit son exposé: si la liberté de l’accès à la contraception lui paraît seule conforme à la liberté individuelle «cette liberté est comme d’autres un objectif qui peut n’apparaître souhaitable que sous certaines conditions». Il précise:

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«dire que personne ne peut se désintéresser de l’avenir de son pays ne signifie pas que toute famille ait le devoir de procréer. Cela veut dire que l’évolution de la population mérite considération. Par évolution nous n’entendons pas nécessairement accroissement a priori ni même maintien mais seulement que la question existe, que les gouvernements et les personnes soucieuses d’intérêt public ne peuvent s’en désintéresser».

21Le démographe ne s’oppose pas à la modification de la loi de 1920 mais invite à la préoccupation démographique. Son intervention au nom de l’intérêt collectif fait exister un problème démographique de la régulation des naissances. Ce qui est désormais en jeu dans ce débat, c’est l’ordre de priorité des justifications avancées. L’argument démographique sert à reléguer au second plan ceux qui relèveraient des intérêts individuels.

22Si Sauvy semble être le seul à justifier l’intervention des démographes, ceux-ci s’inscrivent dans la même démarche de défense des intérêts collectifs à travers le rappel insistant de l’histoire de la population française. Ce faisant, ils créent une singularité française qui oblige à porter attention aux conséquences démographiques de tout changement législatif. Il ne s’agit pas ici de nier la chronologie et les formes prises par la transition démographique en France, mais de considérer que l’exposition répétée dans l’espace public de la particularité de ce schéma a conduit à figer son appréciation et à imposer une préoccupation et une vigilance à l’égard des tendances démographiques et de ce qui peut les contrarier.

23L’exception française est en effet maintes fois rappelée. Dans Carrefour, le 29 février 1956, Jean Sutter explique que «la diminution de la natalité a mis notre existence démographique en péril depuis la fin du xixe siècle» (29 février 1956). Dix ans plus tard, dans Le Figaro littéraire, Léon Tabah, démographe, directeur d’études à l’École pratique des hautes études rappelle aux lecteurs que «la France est le premier pays à avoir connu un déclin de la natalité. Le changement de comportement des couples s’est produit avec un siècle d’avance par rapport aux autres pays européens» (18 novembre 1965). Le rappel de la précocité française sert à mettre en relief la fragilité de la situation présente. La reprise de la natalité d’après-guerre, scrutée par des démographes perplexes face à ce redressement qui se prolonge, est exposée dans les médias. Le 31 mai 1956, Sauvy explique dans Le Monde:

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«la situation est plus favorable qu’au moment où fut votée la loi répressive en 1920 (…). S’il faut s’en réjouir ce n’est pas par fétichisme du nombre ni de l’accroissement, mais parce qu’après un siècle de vieillissement dramatique, la population française (…) est en voie de reconstitution; sur le vieux tronc chargé de vieilles branches apparaissent de jeunes rameaux, tests et promesse de vitalité».

25La fragilité de la situation française justifie l’attention portée aux effets de la modification de la loi car «une rechute de la natalité serait le coup de talon sur la tête du noyé qui est parvenu à sortir sa figure à l’air libre» (Sauvy, L’Express, 11 mai 1956). Une figure de style que Sauvy reprend quelques jours plus tard avant d’ajouter «ce qui est sûr c’est qu’après une rechute il serait beaucoup plus difficile de remonter à nouveau une pente sévère» (Le Monde, 31 mai 1956). Cette idée de fragilité est reprise jusque dans les débats à l’Assemblée nationale. En juillet 1967, le docteur Coumaros, député de la Moselle, hostile à toute modification de la loi s’inquiète: «est-ce vraiment le moment alors que la France vient miraculeusement de rajeunir et de refleurir, qu’elle a pris un magnifique élan de vitalité et de vigueur de faire une politique de régulation et inévitablement de limitation des naissances?» [10]. Et le retournement de tendance de la natalité, rappelé dès le 1er juillet dans les discussions relatives au projet de loi Neuwirth, a de quoi inquiéter. Par exemple, le 5 décembre au Sénat, Léon Messaud, rapporteur de la Commission des affaires sociales, évoque l’«inquiétant fléchissement du taux de la natalité. Après avoir remonté en 1946, au-dessus du seuil vital où les générations assurent leur remplacement, une tendance nouvelle est apparue, le taux de natalité (…) paraît accuser un recul sensible; on a avancé le chiffre de 16,6 pour mille soit un taux inférieur à celui de l’année 1913» [11]. Le choix de l’année 1913, à la veille de la Première Guerre mondiale, comme référence pour marquer le prélude d’un désastre qui s’annonce, n’est pas anodin.

26En définitive, si la fabrique de la singularité de l’évolution de la population française sous la Troisième République a conduit à une sensibilité démographique, son rappel au cours des années 1950 et 1960 l’entretient. Car même si la croissance démographique de l’après-guerre n’est pas tue dans les médias, elle est présentée avec un luxe de précautions, notamment le spectre du vieillissement, qui en minimise la portée (Bourdelais, 1993). En somme, il faut rester sur le qui-vive.

27Si les démographes rappellent la croissance du bout des lèvres, c’est aussi parce qu’au même moment, celle des pays qu’Alfred Sauvy qualifiera du Tiers Monde (1952) fait couler beaucoup d’encre. Il importe d’éviter tout amalgame. Là encore, il s’agit d’avertir le public, lecteur, téléspectateur, de la singularité démographique française.

28En effet, à l’instar de la réaction que l’entrée dans la transition démographique des pays nommés alors «sous-développés» suscite ailleurs, la France s’émeut des déséquilibres démographiques qu’elle menace d’entraîner (Connelly, 2008; Hodgson, 1988; Wilmoth et Ball, 1995). On ne compte pas les annonces alarmistes dans la presse telle que celle de l’hebdomadaire d’actualité, Noir-et-Blanc qui, le 12 décembre 1955, se fait le porte-parole «de certains spécialistes de la démographie»: «si l’on ne peut prévoir dès à présent de solutions radicales… dans un demi-siècle une catastrophe s’abattra sur l’humanité» (cité par Benilan, 1989, p. 21). Les comptes rendus de lecture de Population et de Planning familial se font l’écho de nombreuses publications sur le sujet. À la télévision aussi, le 13 octobre 1960, le premier reportage du magazine Faire face qui s’intéresse au «contrôle des naissances», en présence de Marie-Andrée Lagroua Weill-Hallé et Alfred Sauvy, s’ouvre sur des images de surpopulation et de famine: des hordes d’enfants assoiffés se ruent vers la distribution d’eau potable; des hommes maigres, le visage hagard, mangent avidement un bol de riz. La voix off qui accompagne ces images pénibles est grave: «Il y a environ deux milliards et demi d’humains sur notre planète, deux milliards et demi de personnes qui vivent, travaillent, se reproduisent et peuplent chaque jour davantage une terre dont les ressources ne sont certainement pas illimités» [12]. La question passionne. Courriers de lecteurs et questions de téléspectateurs en témoignent. Lors de cette émission, les téléspectateurs sont invités à poser des questions aux invités sur le plateau: 28 questions sur les 295 posées au standard concernent la démographie dont 10 évoquent explicitement la surpopulation, 7 les possibilités de conflits entre pays du Nord et du Sud, 9 s’inquiètent de l’équilibre entre population et ressources, seules 2 questions évoquent les effets de la contraception sur l’accroissement en France (Michel, 1961).

29Face au risque d’amalgame entre la croissance de la population française et celle du Tiers Monde, des interventions dans la presse resituent les processus démographiques. C’est ainsi que la transition démographique connaît une publicité sans précédent. Le 18 novembre 1965, dans le Figaro littéraire, à l’occasion d’un débat «Pour ou contre le contrôle des naissances», Jean Fourastié, professeur au Conservatoire des arts et métiers et à l’Institut d’études politiques fait valoir son expertise:

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«La mortalité millénaire commandait le passé. Il fallait alors qu’une femme mariée, au cas où elle n’était pas morte avant sa 45e année, ait eu en moyenne près de sept enfants pour que le nombre des humains se maintiennent (…). Avec la mortalité nouvelle, il suffit aujourd’hui de 2,2 enfants (…). Avec une fécondité maintenue de sept enfants par femme et la mortalité actuelle, le nombre des humains triplerait tous les trente ans: il y aurait donc deux cent quarante fois plus d’hommes sur la terre qu’aujourd’hui, c’est-à-dire près de mille milliards (…). Tel est l’avertissement des démographes».

31Quelle que soit leur position face à la modification de la loi de 1920, les intervenants dans le débat sur la régulation des naissances sont unanimes: l’accroissement mondial est sans commune mesure avec celui de la France. Le 1er février 1956, dans La Croix, Joseph Folliet rappelle que «le problème de la surpopulation dans les limites de l’hexagone régulier ne se pose que de façon abstraite alors que celui de la sous-population s’impose avec rigueur» (La Croix, 27 avril 1956). Ensemble, Marie-André Lagroua comme Alfred Sauvy déploreront que le début de l’émission Faire face à laquelle ils ont été invités ait été marqué par «le drame de la surpopulation (…). Il s’agit là d’un problème démographique d’une très grande ampleur et qui n’a rien de commun avec le nôtre» (citation extraite de Télé magazine reprise dans Maternité heureuse, 1960). L’argument démographique produit une dramatisation concurrente: à l’image d’un tiers monde surpeuplé s’oppose une France vide et ridée. Car la densité de la population française situe aussi la singularité française. En avril 1956, lors d’un débat organisé par Le Figaro, Jean Delteil, le directeur de l’Alliance nationale pour la vitalité française, l’évoque: «Nous avons 78 habitants au kilomètre carré alors qu’il y en a le double en Italie (…). Nous sommes, à part l’Espagne, au dernier rang de l’Europe occidentale et centrale: qui oserait dire que ce soit faute de ressources?» (Le Figaro, 13 avril 1956). En 1966, le Haut Comité de la famille rappelle que «la densité de la population française est inférieure à celle des pays voisins et les problèmes causés par une longue période de vieillissement de la population restent graves» (Haut Comité consultatif de la famille, 1967, p. 13).

32Ainsi, la singularité démographique française justifie l’attention portée aux conséquences de la modification de la loi de 1920. Mais l’argument qui prône les avantages de la croissance retrouvée doit affronter la désapprobation sociale à l’égard de l’explosion de la population mondiale. Le consensus prévaut ici: les intervenants dans le débat distinguent un processus démographique qui affecte les pays du Tiers Monde et les tendances françaises. L’exception française est partagée.

33L’introduction de l’argument démographique contraint les militant·e·s du Planning familial à réagir. Contestant un certain nombre d’assertions, ils et elles ripostent tout en affichant leur adhésion à une valeur consensuelle: la préférence pour un niveau de natalité qui assure la croissance de la population. L’affirmation est certainement opportune, même si elle n’interdit pas chez certain·e·s une réelle inclination. Dès les premiers mois du débat, elle participe de la construction de la respectabilité du mouvement du planning familial contraint de se démarquer du néomalthusianime d’avant-guerre pour être entendu (Pavard, 2012b, p. 19). Mais la respectabilité du mouvement reconnue, l’adhésion à cette valeur ne continue pas moins d’être rappelée.

34La singularité démographique française (r)établie, c’est le pronostic de l’évolution de la population qui est en jeu dans la modification de la loi de 1920. Quelles sont les conséquences prévisibles d’un changement de législation? Quels risques fait-il courir à la croissance française? L’argument démographique produit une concurrence de scenarii: ceux défendus par les militant·e·s du Planning visent à présenter les bénéfices pour la population du changement législatif et s’opposent à ceux qui présentent les dommages et préjudices qui pourraient en résulter.

35Le premier préjudice évoqué dans le débat par ceux qui veulent forcer l’attention sur la question démographique concerne la quantité de population. Pour les démographes en particulier, le risque est réel puisque leurs travaux montrent ce que la croissance doit aux «enfants accidents» c’est-à-dire les enfants non voulus mais acceptés (Lagroua Weill-Hallé, 1961). Observateurs des tendances de la fécondité, les démographes enquêtent et constatent que la croissance démographique repose en partie sur les échecs de la contraception, ce que confirmeront des recherches ultérieures (Leridon, 1987). Ces enquêtes, notamment celles menées par Jean Sutter dans des hôpitaux auprès de jeunes accouchées (Siebert et Sutter, 1963; Sutter, 1947, 1950; Sutter et Morin, 1960) trouvent de nombreux échos dans la presse quotidienne ou spécialisée. Dans la revue du Planning, Sauvy explique ce qui conforte l’action menée par les militant·e·s:

36

«une récente enquête a été menée dans trois maternités avec tout le soin désirable. Sur 1 020 femmes venant consulter pour grossesse, 30% ont répondu qu’elles auraient utilisé la pilule stérilisante si celle-ci avant existé et 23% n’ont pu répondre de façon sûre. Ainsi le nombre de grossesse non désirées est beaucoup plus élevé qu’on le pensait».

37Ces enquêtes donnent ainsi la mesure des échecs des moyens naturels de contraception; elles confirment aussi que l’introduction de moyens efficaces devrait entraîner une réduction de la natalité.

38Les militant·e·s du Planning tentent d’abord de nier cet effet possible en recourant à l’exemple étranger:

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«où sont les pays où la natalité aurait été perturbée par la conception contrôlée? Entre 1932 et 1939 la population de l’Angleterre a augmenté de 1 261 000 unités alors que dans le même temps celle de la France baissait de 230 000 habitants».

40Ils et elles s’appuient aussi sur les résultats d’enquêtes de l’Ined sur le nombre idéal d’enfants, des enquêtes qui, elles aussi, connaissent une certaine audience. Pour les militant·e·s, elles montrent que la taille idéale de la famille est suffisante pour permettre le renouvellement de la population (Valabrègue, 1960, p. 162-163). Ces affirmations sont cependant moins répandues que les précédentes, car l’argument est évidemment grossier, surtout pour les démographes. Le Haut Comité de la population, appelé à donner son avis sur «le problème de la régulation des naissances», s’est rapproché de l’Ined pour établir son rapport et se montre moins confiant:

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«la famille idéale telle que la conçoivent les Français est relativement peu nombreuse: elle ne compte en moyenne que 2,59 enfants. Or la mise à la disposition des couples de moyens contraceptifs efficaces doit normalement permettre à ceux-ci de réaliser cet idéal sans le dépasser. Mais comme il y aura toujours des couples qui, pour diverses raisons n’atteindront pas le nombre idéal, la descendance effective globale sera toujours inférieure à la descendance souhaitée. En ce sens, le danger d’un fléchissement de la natalité est réel».

42La quantité des naissances n’est pas seule menacée. Car au même moment, les militant·e·s du Planning ont à réagir aux prétendus risques de la diminution en qualité de la population française. Dès le début du débat, le spectre de la dégénérescence resurgit avec la perspective de l’aggravation de la fécondité différentielle selon les classes sociales (Population, 1956, p. 228-229). Alain Girard résume ces inquiétudes: l’information contraceptive «risquerait d’atteindre non les couches les plus prolifiques de la population mais celles qui le sont le moins et disposent du niveau de vie le plus élevé» (Girard, 1959). Ainsi, avec la libéralisation de la contraception, les familles les plus aisées, mieux informées sur les techniques contraceptives mais aussi plus aptes à y recourir avec efficacité, laisseront reposer la natalité sur les classes populaires, ce qui entraînera une diminution de la qualité de la population.

43Plutôt que de nier cet argument, les militantes du planning recourent à une stratégie de contournement: elles mettent en débat des indicateurs caractérisant le bien-être des adultes et des enfants pour faire reposer sur lui la qualité de la population. Pour cela, elles mobilisent les résultats de l’enquête patronnée par la Milband Fund sur les comportements reproductifs d’un panel de plus de 40 000 couples à Indianapolis. Dans un contexte préoccupé par la fécondité différentielle, à l’instar de nombreuses enquêtes qui lui sont contemporaines scrutant les attitudes et comportements de fécondité, celle-ci est marquée par l’essor de la psychologie sociale ce dont témoignent les publications qui restituent ses résultats (Rosental, 2006; Van de Kaa, 1996). Evelyne Sullerot, sociologue et journaliste, Geneviève Texier, juriste et philosophe, notamment, s’appuient sur les documents en anglais, car plus détaillés, sur les effets pervers de l’échec de la contraception, que les articles parus dans Population qui synthétisent les principaux résultats de l’enquête (Kiser, 1950; Sauvy, 1955; Sutter, 1946; Vincent, 1947). Ces auteures rendent compte de deux conclusions fortes: le degré de satisfaction de la vie conjugale croît avec la maîtrise de la fécondité indépendamment du nombre d’enfants (Sullerot, 1958) et la santé perçue des hommes et des femmes se détériore avec les échecs de la planification (Texier, 1958, 1959). En somme, il faut soutenir la maîtrise de la fécondité dans l’intérêt des couples et de la conjugalité, mais aussi dans l’intérêt de la santé de la population. Il est remarquable que celles qui recourent à cet argument aient été formées aux sciences sociales. Ouvertes à ces disciplines, elles s’appuient sur leurs travaux et leurs réseaux pour mettre au cœur du débat l’écart entre le nombre d’enfants désirés et la taille réelle de la famille, autrement dit «l’enfant accident». Elles recourent par ailleurs aux travaux des spécialistes de la psychiatrie, de la psychologie infantile et de l’enfance inadaptée qui militent à leurs côtés et qui s’attachent à montrer l’importance de la qualité relationnelle parents-enfants (De Luca Barrusse, 2014). Ces spécialistes pointent les effets de la carence précoce de soins affectifs sur les comportements déviants. Désormais, la qualité relationnelle des liens familiaux qui conditionne l’équilibre psychique de l’individu est fonction de «l’optimum familial» – une expression détournée de Robert Debré [13] – que les militant·e·s opposent à «l’optimum démographique» (Debré, 1950). Alors que les démographes définissent le niveau optimal d’une population en fonction des ressources disponibles; pour la famille, c’est le «seuil de saturation d’enfants» qui dépend de plusieurs facteurs tels que le budget familial, la santé de la mère et du père, la présence d’autres enfants au foyer… (Lagroua, 1961, p. 25).

44En définitive, si les militant·e·s contournent le problème démographique, elles le font en proposant d’autres indicateurs de mesure de la qualité de la population. Elles ne renient pas l’argument démographique, témoignant ainsi de leur préoccupation de l’enjeu dont il est porteur. Elles le font en mobilisant les outils de la discipline et les paradigmes de sciences sociales naissantes.

45Les efforts pour convaincre de leur préoccupation démographique ne s’arrêtent pas là. Les partisans du Planning affichent leur adhésion à une valeur: la préférence pour un niveau de naissances qui conduit à la croissance démographique [14]. Cette adhésion est liée à la valeur prise par la natalité depuis le début du xxe siècle, renforcée dans l’entre-deux-guerres et sous le régime de Vichy. Elle conduit à un consensus social sur la natalité en lui donnant une signification et en élaborant un système de représentations sociales autour de la croissance de la population qui perdurent dans les années 1950 et 1960. Cette «valeur natalité» contient un principe d’action qui interdit toute manifestation d’opposition ou toute manœuvre contradictoire, et elle engendre un comportement hostile – ou du moins méfiant – à l’égard de ceux qui placent l’intérêt individuel au-dessus de l’intérêt collectif. Comment se manifeste cette valeur dans l’espace public? À quel point est-elle consensuelle?

46L’affichage d’une valeur partagée avec ceux qui se préoccupent de l’intérêt collectif apparaît dans l’affirmation régulière par les partisans du Planning que la croissance de la population française est désirable et qu’en outre elle doit être soutenue. Dès le premier numéro de Maternité heureuse en 1956, Marie-Andrée Lagroua écrit «nous enregistrons avec joie depuis quelques années une augmentation de la natalité capable de s’opposer, dans de trop faibles mesures encore, au vieillissement de la population». Présentant son action, elle ajoute: «il ne saurait être question pour de bons français de faire diminuer une natalité tant souhaitée» (Lagroua Weill-Hallé, 1956). Le 11 mai 1956 Françoise Giroud écrit:

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«quelque horreur que puisse inspirer la condition des femmes livrées aux avorteuses nous n’insisterions pas si l’on possédait la moindre preuve que l’usage des méthodes contraceptives puisse enrayer la natalité si nécessaire à la France».

48Cette valeur natalité conduit le Planning à marquer son opposition à la «limitation des naissances». Ces efforts pour trouver un étendard à l’action menée ont conduit à préférer la planification familiale au birth control et à la limitation des naissances parce que la première apparaît à la fois positive et plus respectable (Pavard, 2012a). À plusieurs reprises, Marie-Andrée Lagroua rappellera que «le programme du MFPF [15] n’est pas orienté dans le sens malthusien de la limitation des naissances» (Lagroua Weill-Hallé, 1964). Ce que confirme la définition donnée au planning familial, qui est «l’ensemble des mesures visant à favoriser la natalité lorsque les conditions sociales matérielles et morales s’y prêtent» (Maternité heureuse, 1961). Comme le rappelle Bibia Pavard, sur la scène internationale, le Planning se désolidarise de certaines stratégies ostensiblement néomalthusiennes des programmes de l’IPPF auquel il adhère en 1959 (Pavard, 2012, p. 41) [16]. Ce hiatus entre l’invitation à la croissance dans les frontières de l’hexagone et des réticences hors d’elles, s’il apparaît ouvertement dans la presse à travers la crainte de la croissance des pays du Tiers Monde, n’a pas été souligné par les militant·e·s du planning qui préfèrent rejeter tout risque d’accointance avec le néomalthusianisme. La réception de l’enquête menée par l’Ined en 1956, dès les premiers mois du débat, sur «l’opinion publique à l’égard de la limitation des naissances» convainc du rejet d’un label néomalthusien (Population, 1956), car les réactions n’ont pas manqué (Sullerot, 1956). Pour Catherine Valabrègue, militante du Planning, cette enquête «n’est pas concluante»: «À la question que savez-vous de la limitation des naissances? la réponse fut tout naturellement: c’est un moyen de limiter le nombre des naissances» (Valabrègue, 1960, p. 8-9). Le docteur Henri Fabre surenchérit:

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«l’expression limitation des naissances peut comporter une idée péjorative. Limiter c’est freiner la natalité, c’est ouvrir toutes grandes les portes à la dépopulation. Grandeur de la France mise en péril, patrimoine national menacé, économie en danger de mort. Tous les gouvernements successifs, et leur radio, et leur presse, ont suffisamment mis les Français en garde contre une baisse de la natalité pour que le public la redoute (…). Dès le début des images déplorables ont pu se former chez beaucoup: usines tournant au ralenti, compagnes abandonnées, écoles vides, armées appauvries et sevrées de la Gloire».

50Le résultat de l’enquête est sans surprise: 39% des interrogés estiment que «si toutes les facilités étaient données aux femmes pour connaître et se procurer les moyens d’éviter la grossesse», une forte diminution des naissances s’ensuivrait tandis que 39% pensent que la diminution serait faible. Seuls 13% pensent que cela irait sans changement sur le niveau des naissances. «L’introduction d’une législation nouvelle n’irait pas aux yeux du public sans entraîner des conséquences sur la natalité en France» (Girard et Raul, 1956, p. 494). Le recours à une expression qui biaise considérablement les résultats de l’enquête a de quoi étonner, et ce d’autant plus que ce n’est pas la première enquête d’opinion sur les questions de population et que, jusque-là, les démographes se sont montré soucieux de s’assurer de la qualité des questions posées [17]. Mais, au moment où elle est réalisée – la passation des questionnaires se fait entre le 20 mai et le 30 juin 1956 –, c’est l’expression «limitation des naissances» qui domine dans l’espace public, en particulier médiatique, même si les militant·e·s du Planning tentent, quant à eux/elles, de s’en démarquer.

51Par la suite, les démographes recourront à l’expression de «prévention des naissances» (Sauvy, 1962). Pour le Planning, l’adhésion à la valeur natalité passe par le déni d’un label qui contredit la préférence pour la croissance. Elle passe aussi par la revendication d’une politique de soutien à la croissance, en particulier à la politique familiale qui, contrairement à la loi de 1920, aurait prouvé son efficacité. En effet, comme les démographes, les militant·e·s du Planning attribuent la remontée des naissances de la fin des années 1930 à la politique familiale (Hecht et Chasteland, 1960; Valabrègue, 1960). Par conséquent, «ce qui importe pour l’avenir démographique de la France ce n’est pas la suppression de la loi de 1920 mais les mesures collectives prises pour accueillir les enfants et les jeunes» (Michel, 1966, p. 10). Les militant·e·s se placent dans les pas de Sauvy qui va plus loin encore en attribuant la nouvelle augmentation des naissances à un climat familial, reprenant une idée chère à l’entre-deux-guerres et consacrée par le Code de la famille (De Luca Barrusse, 2008):

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«si la natalité a remonté depuis 10 ans ce n’est pas seulement grâce à l’aide matérielle accordée aux enfants. C’est que les familles ont eu dans quelque repli de leur conscience ou de leur subconscience l’impression que la société accueillait avec faveur les enfants, après les avoir repoussés».

53C’est une idée que Sauvy utilise à plusieurs reprises et que le Haut comité de la population fera sienne (Haut Comité consultatif de la famille, 1967). Elle est aussi citée dans l’hémicycle [18]. Les acteurs du débat sur la régulation des naissances s’accordent sur l’intervention étatique pour soutenir une politique familiale et nataliste qui doit servir à contrer les effets de la modification de la loi.

54Jusqu’à quel point la valeur natalité est-elle consensuelle et partagée? Parmi les militant·e·s, rares sont les oppositions à cet apparent consensus. Dans Maternité heureuse, en juin 1959, Alexis Danan se livre à une féroce critique du natalisme: «Il nous faut nous délivrer du mythe du nombre» (Danan, 1959). C’est aux démographes que s’en prend en 1966 le docteur Pierre Simon:

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«Il se meut dans un décor d’équations, de statistiques, de programmes types, de tables clés. Son univers consiste à mettre en garde la planète contre le surpeuplement dans un espace, le dépeuplement dans un autre. Il nous rappelle les lois de Malthus, stigmatise la chute démographique des démocraties populaires et brandit la formule de Pearl pour calculer les échecs de la contraception. Métastasés dans tout l’univers administratif, ils brandissent leurs statistiques qui pour reprendre la formule de Fournier, servent à leurs discours savants comme les réverbères aux ivrognes. Elles les soutiennent au lien de les éclairer.».

56Ces hommes présentent des profils sociologiques différents de ceux des militantes du planning. Alexis Danan est un journaliste expert des sujets de sociétés. Il mobilise sa plume au service de causes qui suscitent l’indignation (Quincy-Lefebvre, 2014). Le gynécologue Pierre Simon, membre de la Grande loge de France, est un militant du planning de la première heure (Pavard, 2012b, p. 64-65). Ils ont en commun une assise et une reconnaissance sociale que n’ont pas les militantes du planning en raison de leur genre qui les confinent à associer natalité et féminité. Elles ne sauraient comme ces hommes dénoncer la première.

57La rareté des oppositions rend compte du contrôle social qui s’exerce sur la dicibilité d’une opposition à la croissance dans le débat public. La dénonciation de l’argument démographique est conditionnée par le poids respectif des acteurs en présence, et ce qu’autorise leur genre. Mais il reste marginal par rapport à l’expression d’un consensus sur la valeur natalité.

58Le 19 décembre 1967, la loi de 1920 est abrogée et la contraception libéralisée sous d’étroites conditions. La propagande antinataliste, elle, reste interdite. Le rapport de force qui a opposé militant·e·s du Planning familial et les détracteurs des avancées qu’ils et elles proposaient à travers le droit à la contraception, a finalement abouti à la marginalisation des positions les plus conservatrices. La pression sociale favorable à la modification de la loi comme le montrent non seulement les courriers des lecteurs, les témoignages, mais aussi les enquêtes d’opinion portées par l’Ined, explique que les positions rigides n’étaient plus tenables. En mai-juin 1956, 43% de la population interrogée par l’Ined est favorable au maintien de la loi de 1920; la même proportion est favorable à l’autorisation de la diffusion «des moyens à employer pour éviter une grossesse» [19] (Girard et Raul, 1956, p. 493). Mais, à la veille du vote de la loi, l’équilibre est rompu. En juin 1966, 69% des personnes interrogées voudraient autoriser la diffusion des moyens de contraception, et 31% souhaitent le maintien de l’interdiction [20] (Girard et Zucker, 1967, p. 432). Les tenants des positions conservatrices resteront toutefois sur le pied de guerre, comme le montrent les débats qui se poursuivront sur le droit à l’avortement (Pavard, 2012b; Pavard et al., 2012).

59Le débat sur ce qui relève du droit des femmes et des couples a été obstrué par le recours à un argument démographique qui impose de raisonner sur les effets collectifs de la libéralisation de la contraception. Son entrée dans le débat était attendue. Contrainte par leur genre, les militantes du Planning se sont positionnées dès le début de leur action pour adhérer à une valeur consensuelle: la natalité. Mais elles ont travaillé à une autre hiérarchisation des enjeux que ceux qui leur étaient imposés et ce, en recourant à un même type de raisonnement. Elles ont fait du bien-être familial la clé de la qualité de la population en s’appuyant sur les outils des démographes, leurs enquêtes notamment, mais aussi en mobilisant les apports d’autres sciences sociales. Ce faisant, les militantes imposent à leur tour un modèle de la famille planifiée consciente de ses «limites», de son optimum. Mais le débat ne se réduit pas à la seule libéralisation de la contraception. Il affecte durablement et à plus d’un titre le champ spécialisé de la démographie. Il conduit d’abord à la visibilité des travaux des démographes et, d’un point de vue institutionnel, à la création d’une activité que l’Institut menait jusque-là de manière irrégulière (Clerc, 1995). En effet, l’article 8 de la loi du 28 décembre 1967 relative à la régulation des naissances lui confie la rédaction d’un rapport annuel sur la conjoncture démographique que présente son ministre de tutelle au Parlement.

60La sensibilité démographique s’est donc exprimée à travers un complexe de la dénatalité qui conduit à rappeler, dans l’espace médiatique, l’exception française et les précautions qu’elle implique. Elle entraîne l’expression de valeurs définissant le tolérable et l’intolérable, le désirable et l’indésirable en matière démographique. La valeur natalité mise à jour apparaît dans l’espace médiatique relativement partagée. Mais l’est-elle hors de cet espace? La question a toute son importance car elle permet de comprendre comment la sensibilité démographique qui a produit cette valeur s’exprime plus largement dans l’espace public. La réponse n’est pas aisée cependant, mais des enquêtes menées par l’Ined permettent de montrer dans quelle mesure «l’opinion publique» partage la valeur natalité [21]. Entre 1955 et 1965, 50% à 59% des personnes interrogées trouvent souhaitable que la population reste stationnaire, motivant leur réponse par la crainte du chômage. Sur la même période, en moyenne, une personne sur deux estime que «de manière générale le nombre des naissances en France est actuellement «comme il convient» (Bastide et Girard, 1962, 1966; Girard et Bastide, 1960; Girard et Henry, 1956; Girard et Raul, 1956; Girard et Zucker, 1967, 1968). Les différences sociales sont assez marquées: à mesure que le niveau de vie s’élève les préférences vont davantage à la croissance et à un relèvement des naissances. Tout se passe comme si la valeur natalité était partagée dans l’espace public par ceux qui y sont les plus visibles mais pas dans l’espace privé où s’expriment des opinions individuelles.

61Pourtant l’effet de la sensibilité démographique dont la valeur natalité est le produit est assez probante. En 1959, le public est interrogé: «à votre avis, est-ce qu’en France les questions de population, c’est-à-dire le nombre et la répartition des habitants et les changements qui peuvent se produire, sont des questions très importantes, importantes ou sans importance?»: 27% répondent qu’elles sont très importantes (32% des hommes, 23% des femmes), elles sont importantes pour 48%, et seuls 15% les considèrent sans importance (Girard et Bastide, 1960). Le constat est identique en 1965: 30% jugent les questions de population très importantes, 41% importantes, seuls 5% les jugent sans importance (Bastide et Girard, 1966). Même si on peut s’interroger sur les résultats d’une enquête portée par un institut qui fait connaître les questions démographiques, ce qui a pu induire certaines réponses, ils attestent de l’intérêt effectif de ces questions pour la population. La place accordée dans les médias à la démographie, le traitement qui en est fait, et l’intérêt qu’y trouvent une fraction néanmoins importante de la population invite à conclure à l’enracinement d’une sensibilité démographique au cours de ces deux décennies.

  • Archives d’institutions et établissements
    • Centre des archives contemporaines 19860269: Haut Comité de la population et de la famille (1945-1973)
    • Ined:Cartons des enquêtes 020, 030, 070, 072 sur l’opinion publique et la conjoncture
    • Mouvement français pour le planning familial (MFPF):cartons D 0704; D 0707; D 0708; D 0710 Collège des médecins – Informations
    • Planning familial de Grenoble: Dossier 3-2 Articles de presse; 3-1 Correspondances
    • Conseil supérieur de l’information sexuelle (CSIS) au Centre de ressources documentaires multimédias: Carton 12 Contraception; 29 couples; 33 Famille; 95 régulation des naissances
  • Archives audiovisuelles INA-TV
    • Faire face ,13 octobre 1960, première chaine
    • Cinq colonnes à la une, «L’expérience de Grenoble», 3 novembre 1961, première chaine
    • Campagne électorale officielle, le premier tour des élections présidentielles; 2 et 3 décembre 1965, première chaine
    • Panorama, 25 février 1966, première chaine
  • Revues dépouillées
    • Population: 1955-1967
    • Maternité heureuse (puis Planning familial): 1956-1967
    • 1956, «L’opinion est saisie», Maternité heureuse, 1, p. 13-21
    • 1956, «La limitation des naissances», Population, 11(2), p. 209-234
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Le complexe de la dénatalité. L’argument démographique dans le débat sur la prévention des naissances en France (1956-1967) (2024)
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